DANGER
C'était fascinant. Tous ces gens fascinés qui lui tournaient
le dos.
Qui pourrait venir par en arrière ?
À part lui.
Effectivement. Efficacement.
Qu'il élimina avec le M 16 du garde qui fonctionnait
parfaitement bien.
Il l'avait vérifié avant de l'amener. L'homme prenait soin
de son arme. Ce qui n'était malheureusement ou heureusement - question de point
de vue - pas le cas de tout propriétaire d'arme à feu.
Tout en tirant, il fit rapidement le tour d'horizon de la
salle.
Il tira le premier coup dans la bouche du premier homme. Et
lui fit sauter toutes les dents et la mâchoire - méthode Robespierre - lors du
coup d'État de Napoléon. C'était le seul homme qui pouvait empêcher la suite
logique des événements. Il fallait donc l'empêcher de parler et de convaincre.
Puisqu'il était arrivé au sommet du pouvoir en discutant et convainquant. On
avait tué pour lui. On était mort pour lui. Seulement avec un nombre limité de
mots. Et quelques idées.
Il devint un visage ravagé de chair sanglante et ne put que
hurler tout en saignant et bavant - incapable de parler - et c'est ainsi qu'on
l'amena à la guillotine afin de s'en débarrasser enfin. Masse de chair
tremblante et hurlante et pensante comprenant que la mort prochaine était la seule
chose qui pourrait enfin mettre un terme à ses abominables souffrances. Et
qu'il était trop tard pour rien changer. L'homme qui lui avait tiré dessus
était déjà là lors de la réunion. Attendant que ceux qui l'avait acheté - pas
cher - probablement seulement avec des mots et quelques idées - arrivent enfin.
Il fallait empêcher que l'homme de fer retourne la situation en sa faveur comme
il l'avait déjà fait.
Et qu'il avait vécu jusqu'à présent - fait tout ce qu'il
avait fait jusqu'alors - pour rien. Que tout serait abattu. Effacé.
Et qu'il resterait 3 mots de cette aventure qui avait coûté
un roi, une reine, un petit roi et des centaines de milliers de morts.
Les bourgeois qui hériteraient de la monarchie après que le
petit peuple ait fait tout le travail - riaient déjà. Mais, entre temps, ils
devaient se terrer en attendant que l'orage passe. Un nouvel orage: celui de la
Grande Histoire en marche. Le roi abattu. Voilà l'empereur.
Bonaparte et ses amis pouvaient enfin libérer le peuple de
ce tyran sanguinaire. Il passerait à l'histoire pour avoir mis fin à la
Terreur.
Lorsque dans leur désir de pureté, les plus ardents des
révolutionnaires éliminaient les tièdes qui furent leurs complices.
Ceux qui comprenaient qu'ils seraient les suivants de cette
marche vers la perfection - qui se fait de cadavres en cadavres - comme à
saute-mouton - comme lorsqu'on va de pierre en pierre au travers d'une rivière
- se cherchèrent un autre sauveur que le précédent qui serait ou allait devenir
leur boucher.
Et le trouvèrent.
Entouré d'amis qu'il sacrifierait bientôt après usage. Il
était alors humble et disciple de la raison raisonnable et de la prudence.
Ami de la paix et de la tranquillité.
Il fallait que cesse ce carnage qui engloutissait les
meilleurs de la nation.
Ce qui n'était qu'un travail d'amateurs.
Absurde.
Alors que de grandioses massacres permettraient de remodeler
la carte de l'Europe et de transformer l'Histoire qui avait été si lente et si
prudente à cause des rois qui ne voyaient pas pourquoi ils transmettraient des
ruines à leurs fils qui deviendrait propriétaire de leur pays et des habitants.
Mais les flammes et les ruines et les mers de sang
enthousiasmeraient les alchimistes nouveaux.
Pour eux la prudence était une vertu surannée alors qu'ils
n'attendaient rien du passé. Et que le futur leur rendait tout possible.
Et si tentant.
L'exaltation de transformer la réalité.
Il pourrait enfin, une fois devenu empereur tuer des
français par millions.